Source le quotidien du médecin
"Deux roues motorisés : 2 % du trafic, 28 % des morts"
Efficace fusion entre la Semaine européenne de la mobilité et la Semaine de la sécurité routière, la deuxième édition française de la Semaine de la mobilité et de la sécurité, pilotée par le ministère de l’Écologie et du développement durable, appelle au « partage de la rue ». Jolie formule pour inciter au respect mutuel sur la route, notamment entre deux-roues et automobilistes. Les deux-roues motorisés ont été la cible phare de la Sécurité routière tout au long de l’année 2010.
SEMAINE DE LA MOBILITE ET DE LA SECURITE ROUTIERE
Les deux-roues sont les plus à risque
Les accidents de deux-roues, en hausse en 2009, sont responsables de l’interruption de la baisse de la mortalité routière. Les médecins du pôle de rééducation de l’hôpital de Garches sont en première ligne pour constater la gravité des blessures qu’ils occasionnent, au premier rang desquelles le traumatisme crânien. Il faut, selon eux, adapter la prévention.
JEUDI DERNIER, jour de l’ouverture de la Semaine de mobilisation, Michèle Merli, la déléguée interministérielle à la sécurité routière s’est rendue à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches. L’établissement de l’Assistance publique, qui, à ses origines, prenait essentiellement en charge des poliomyélitiques, est devenu, notamment avec la construction de l’autoroute A13 à ses côtés, l’hôpital des accidents de la route. Il est aujourd’hui celui des accidentés de la vie, a cependant précisé Jean-Michel Péan, directeur du groupe hospitalier. Centre de référence du handicap à l’AP-HP, il vise aussi à se préoccuper de ce qui se passe après l’hospitalisation, la vie après l’accident.
Plus de handicaps lourds.
On parle beaucoup des morts, et à juste titre, car le traumatisme crânien (TC) est la principale cause de mortalité mais il est également source de handicaps très lourds, souligne le Pr Philippe Azouvi, chef du pôle RER (rééducation, évaluation, réadaptation) à Garches. « Ce que l’on a gagné en survie dans la phase aiguë, on l’a perdu en handicap. » Le TC est aujourd’hui plus souvent indemnisé, « parce qu’on a accompli de vastes progrès dans la réanimation, et donc les accidentés meurent moins. Et par ailleurs, le TC est mieux reconnu dans l’indemnisation. »
Le Pr Azouvi insiste aussi sur le devenir des TC sévères. « Avec peu de troubles moteurs et peu de troubles cognitifs, le TC produit un handicap invisible. » Invisible mais loin d’être anodin. Selon une étude que le spécialiste a menée dans son service (soutenue par le ministère de la Santé), 80 % des blessés avaient gardé des séquelles un an après l’accident et 60 % n’avaient pas pu reprendre leur activité professionnelle. Une autre enquête, plus ancienne, montrait quant à elle que, cinq ans après l’accident, seulement 40 % des blessés a pu récupérer à peu près. Le TC a donc un « impact social très important et mal connu du grand public, car moins parlant que le fauteuil roulant ».
Hiérarchiser le matériel.
Alors comment faire pour réduire la gravité des lésions ? C’est l’une des questions auxquelles le Dr François Genêt, praticien au pôle RER, tente de donner des réponses. Outre les discours de prévention et les formations, il insiste sur la qualité des équipements adaptés. « Je suis conduit sans arrêt à évaluer les produits. Ce que je peux dire, c’est que l’équipement motard a ses limites. Il faut surtout rappeler des évidences, comme le fait qu’il faille porter un casque de bonne qualité, homologué, ainsi que des gants, un blouson, des bottines, un pantalon. Mais attention à ne pas délivrer trop de consignes au motard, qui risquerait de mal choisir. Il faut donc hiérarchiser le matériel. À quoi bon porter un plastron airbag, si c’est pour rouler en short ! Les nouveaux accessoires ne doivent pas se substituer au matériel de base, encore plus nécessaire que tout autre. »
Le Dr Genêt, lui-même motard, invite aussi à ne pas diaboliser ce mode de transport. « La conduite du deux-roues doit rester un plaisir. » Le médecin s’est livré à une petite observation sociologique. Il existe selon lui, aujourd’hui, 4 types de motards différents, auxquels sont associés 4 types d’accidentologie.
Il y a d’abord le « pur et dur », dit-il, qui est bien équipé, connaît son engin et se montre très réceptif aux discours de sécurité. Il y a ensuite le jeune sur son cyclomoteur, qui roule à toute vitesse et prend des risques. Vient le livreur professionnel, soumis à des contraintes de temps, et puis une nouvelle catégorie, celle les cadres dynamiques. « Donc le discours de prévention doit être adapté à la population. »
AUDREY BUSSIÈRE
Le Quotidien du Médecin du : 22/09/2010 »